mardi 2 décembre 2014

[Avis en vrac] Night Call (2014), Quand vient la nuit (2014), La prochaine fois je viserai le coeur (2014), Au Nom du Pape Roi (1977), La Soufrière (1977), Gasherbrüm (1985), Spéciale première (1974), Paradis Perdu (1940), Darling Lili (1970), Les Possédés (1988), Le Chemin des écoliers (1959), Les Tuniques Ecarlates (1940), Dans la brume électrique (2008), Les Commandos passent à l'attaque (1958), La Maison du Docteur Edwardes (1945) et Fitzcarraldo (1982)

AU CINÉMA


Nightcall, de Dan Gilroy (2014)

Le magnétisme dérangeant de la Cité des Anges n'en finit pas de charmer les cinéastes, qui décidément ne tarissent pas de sujets intéressants. Night Call apparaît comme une relecture plutôt agréable des nuits citadines de Scorsese. Évidemment on pense à Taxi Driver mais également à A Tombeau ouvert, au caractère contemporain plus proche du film présent. C'est un vrai film de scénariste, plutôt finement écrit même si on peut reprocher une durée éventuellement trop longue pour un film qui devrait aller droit au but, un film dans lequel jamais nous n'avons de l'empathie pour les personnages. Mais l'ensemble est plutôt traité avec habileté, sans trop s'attarder sur la critique facile des médias et en se resserrant sur le personnage principal. Gyllenhaal en fait des tonnes, parfois au bord du surjeu, sans que cela soit pour autant déplaisant. Le rôle l'amuse et il en fait profiter son spectateur. Dommage que la réalisation soit un peu impersonnelle, même si globalement efficace, le spectre nocturne de Michael Mann n'étant jamais loin.



Quand vient la nuit, de Michael R. Roskam (2014)

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on a connu Dennis Lehane plus ambitieux. Quand vient la nuit s'apparente à une sorte d'essai, un exercice de style pour le réalisateur belge Roskam pour son entrée dans le cinéma américain. En soi le film n'est pas foncièrement désagréable : l'ensemble est propre. Plutôt bien réalisé, l'écriture est sobre, l'interprétation est globalement correcte... Mais on finit tout de même par se demander où va réellement le film, quel est le fond, que veut-il dire... L'ensemble paraît très vain et manque cruellement de l'ambition urbaine pourtant caractéristique de l'écrivain de Mystic River. Voilà qui pourrait éventuellement se faire apprécier par les amateurs de polars urbains plutôt sobres et élégants, mais en ce qui me concerne, je reste trop sur ma faim. Je suis même un peu déçu par l'interprétation du regretté James Gandolfini.

Fiche Cinelounge
 

La prochaine fois je viserai le cœur, de Cédric Anger (2014) 

Une énième adaptation de faits réels qui ont un haut potentiel cinématographique, La prochaine fois je viserai le cœur se retrouve gâché par le global manque d'ambition et la faiblesse des idées derrière la caméra. Pourtant il y a une forme de bonne volonté qui se ressent sur l'ensemble, mais elle semble perdue dans le vide. Le début intrigue, efficace, avant que les problèmes ne s'accumulent : la lenteur d'une réalisation qui manque de profondeur, une interprétation terne voire parfois ridicule et surtout une écriture qui ne sait pas où aller. Le personnage du tueur, interprété par Guillaume Canet, est mal caractérisé, l'empathie vaguement désirée ne fonctionne pas ; la crainte non plus. Il indiffère profondément, ce qui est quand même un problème dans ce genre de film. Les enjeux sont finalement assez absents et l'ennui devient vite palpable, dans ce film qui manque de rebondissements, d'audace, ou ne serait-ce que d'âme.



Au Nom du Pape Roi, Luigi Magni (1977)

Ressortie en salles.

Véritable trésor oublié du cinéma italien exhumé pour sa restauration, Au Nom du Pape Roi est un petit délice typique de tout rayonnement des années 70 au pays de Fellini. Fresque historique mais intimiste remarquablement bien écrite, le film se prévaut aussi d'un ton bon enfant, parfois excessivement drôle dans sa franchise blasphématoire. Le contexte, mettant en scène le pouvoir du Vatican périclitant à l'heure où Garibaldi mène l'insurrection à Rome, est passionnant. Le regard depuis les arcanes religieuse de la Cité Éternelle apporte toute les nuances nécessaires, d'autant plus porté par le grandiose Nino Manfredi. C'est sans compter la somptueuse photographie sublimant ces intérieurs en studio aux couleurs vives, et également une très belle composition dans l'ère du temps pour accompagner le tout. Fabuleuse découverte !

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 Les Ascensions de Werner Herzog (1977/1984)

Présenté à la Cinémathèque française "Les Ascensions de Werner Herzog" compile deux restaurations de films documentaires de Werner Herzog : La Soufrière (1977) et Gasherbrum (1985). A partir du 3 décembre au cinéma.

La Soufrière, de Werner Herzog (1977)

Quoi de plus tentant pour un cinéaste qui aime l'aventure que de prendre sa caméra pour aller filmer l'explosion à venir d'un volcan, susceptible de raser une ville entière ? La Soufrière est un court (30 minutes) mais génial documentaire de Werner Herzog, au parfum d'aventure et de danger résolument palpable. Les images captées sont fantastiques dans cette ville de Guadeloupe qui s'apparente à une sorte de "Pompéi en devenir". Herzog met en scène son documentaire avec toute la grandeur mystique qui le caractérise. C'est somptueux, et ponctué çà et là d'authentiques moments de vie, comme lorsqu'il s'en va quérir des locaux sur les raisons qui les ont poussé à rester. Grandiose.


Gasherbrum, la montagne lumineuse, de Werner Herzog (1985)

Les thèmes poursuivis par Herzog dans Gasherbrum sont passionnants, le réalisateur ne s'intéressant pas tant à l'alpinisme, mais plutôt à la pulsion qui pousse les deux grimpeurs que l'on suit à escalader consécutivement deux pics de 8000 mètres. Est-ce une pulsion de mort, s'interroge-t-on ? Une recherche de vie ? De paix ? Dans ces hauteurs presque infernales, on part à la recherche de mythes, de grandeurs insondables, comme le souligne d'ailleurs Herzog dans son utilisation vertigineuse de la musique de Wagner. Sacré grimpette !

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Spéciale première, de Billy Wilder (1974)

 Ressortie en salles.

Faisant parti de la fin de carrière de Wilder, Spéciale première a ce cachet très particulier des films de réalisateurs âgés qui ne sont plus tout à fait dans leur temps, mais qui essayent tout de même de s'adapter, plus ou moins dans la continuité de L'Odyssée de Charles Lindbergh du même auteur. L'ensemble a quand même l'entrain caractéristique de Billy Wilder, cette finesse d'écriture qui fait mouche à chaque réplique. A plus d'une reprise on sent toutefois l'adaptation théâtrale, mais qu'importe, ça passe globalement comme une lettre à la poste et Wilder soigne grandement sa mise en scène, riche en idées et en couleurs. Et puis évidemment, il y a ce duo Jack Lemmon / Walter Matthau qui tient tout le film à lui tout seul, avec cette énergie roublarde fabuleuse au langage parfois fleuri comme il faut. Drôle et plutôt intelligent, au dynamisme à cheval entre classique et moderne, Spéciale première mérite le coup d'oeil.



Paradis Perdu, d'Abel Gance (1940) 

Projeté à la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé.

Mélodrame français bouleversant, Paradis Perdu recèle tout le trésor du grand metteur en scène qu'était Abel Gance, portant ici son cinéma dans une tout autre dimension, celle de l'émotion. La traumatique Première Guerre Mondiale n'est jamais loin, source de tous les maux, d'autant plus d'actualité à l'ère où la France est occupée, revivant un nouveau trauma. L'écriture, d'une immense simplicité et d'une naïveté touchante, transcende par sa vivacité ou sa dureté, tout en étant toujours juste. Les personnages sont ainsi d'autant plus sublimés. L'interprétation est grandiose et confère la touche de génie finale, irrésistible grâce à ces légendaires gros plans en noir & blanc dont on avait jadis le secret. Alors que les larmes sont encore chaudes, la chanson "Paradis Perdu" continue à résonner après la fin du film. Beau, simple, marquant.

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EN VIDÉO


Darling Lili, de Blake Edwards (1970)

Darling Lili pourrait se voir comme une version humoristique et graveleuse du Crépuscule des Aigles de John Guillermin. Ici, une histoire d'amour chevauche également les combats aériens de la Première Guerre Mondiale, à ceci près que le thème de l'espionnage est introduit, ressemblant à une version grotesque de Mata-hari. La maitrise habituelle de Blake Edwards rend le film agréable à suivre, porté par la chaleureuse Julie Andrews, finement secondée par le puissant Rock Hudson. Le film se paye même le luxe de batailles aériennes plutôt sympathiques, bien que certaines soient totalement plagiées du film de Guillermin cité plus haut et sorti quatre ans plus tôt. Bien que l'on sente un Edwards pas forcément à son aise dans les années 70, il reste le charme désuet de sa notion de comédie bien graveleuse, parfois gentiment vulgaire, mais souvent très plaisant. Et c'est sans compter une ouverture et une conclusion remarquables, tout en chanson.



Les Possédés, d'Andrej Wajda (1988)

C'est étrange. Impossible de placer un ressenti précis sur Les Possédés, si ce n'est que c'est un "genre" que définitivement on ne produit plus, ou presque plus. Casting bien prestigieux pour cette belle collaboration franco-polonaise traitant d'une histoire russe, voilà qui ne laisse tout de même pas indifférent. Mais, à nouveau, tout est étrange, tout semble confus dans un vrai maëlstrom, les personnages vont et viennent, sortent du récit parfois brusquement et l'histoire avance avec une lenteur extrême. Mais ça n'est pas son charme. Le mysticisme de cette campagne slave apporte une singularité inimitable au film, confirmé par une musique inquiétante, presque fantastique, et des images somptueuses. Le ressenti que laisse Les Possédés est totalement éloignée du concret, on a ce charme laissé par l'univers sans pour autant que l'on se soit réellement intéressé à l'histoire. De l'art d'avoir été subjugué même lorsque l'on s'est ennuyé. Vraiment curieux.



Le Chemin des écoliers, de Michel Boisrond (1959)

Comédie aujourd'hui assez typique sur le quotidien français lors de l'Occupation, Le Chemin des écoliers prévaut tout de même grâce à tout le dynamisme du si beau cinéma français des années 50, boosté en prime par une très légère essence Nouvelle Vague dans certaines petites audaces commises à droite ou à gauche, le mouvement débutant par ailleurs la même année. Tout est assez naturel et simple, les situations sont parfois belles, d'autres fois beaucoup plus cocasses (voir Bourvil perdu dans des sous-entendus très graveleux est un vrai petit plaisir). Le Chemin des écoliers est sans prétention et ne va pas chercher bien loin, peut-être moins abouti que La Vie de Château de Rappeneau, mais l'essence enthousiasmante est assez proche : cela se déguste tout simplement et laisse un goût plaisant de joyeuseté.

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Les Tuniques Écarlates, de Cecil B. DeMille (1940)

Les Tuniques Écarlates a son équivalent chez chaque cinéaste de l'époque : une sorte d'exercice de style qui correspond à un passage (ou un essai) au Technicolor. Ici le cadre habituel du western est changé et met le cap plein Nord, dans les vastes forêts montagneuses du Canada, avec pour contexte (assez original) la lutte entre la police montée, les fameuses tuniques écarlates, et les rebelles de l'indépendance. La diversité proposée par le film de DeMille est vraiment agréable et fait mouche, mais pas forcément sur deux heures de film. Les scènes tournant autour des intrigues amoureuses sont malheureusement trop longues et nuisent à l'aventure et à l'action, en revanche très maitrisés. Certaines fusillades sont bluffantes. Reste également la singularité de ne faire apparaître Gary Cooper qu'après une bonne vingtaine de minutes de film. Il n'est (hélas) pas aussi central dans le récit que l'on ne l'aurait souhaité. Et puis il y a ce technicolor qui brille de mille feux, peut-être pas aussi maitrisé cela dit qu'il ne l'était chez John Ford dans Sur la piste des Mohawks.

Fiche Cinelounge


Dans la brume électrique, de Bertrand Tavernier (2008)

Les liens entre Bertrand Tavernier et le cinéma américain ne sont plus à prouver, et Dans la brume électrique apparaît comme une jolie concrétisation. Tavernier a l'intelligence d'aller filmer une Amérique profonde en relation avec la vieille Europe, ces bayous qu'il affectionne et au caractère rural dans lequel il se reconnaît éventuellement. C'est un authentique film de passionné, passionné de cinéma mais aussi de musique comme en témoignent la très belle partition de Marco Beltrami (qui peine à trouver de bons films sur lesquels collaborer !) mais aussi la présence furtive de Buddy Guy. Obsession oblige, Tavernier ne manque pas de trouver le moyen d'y inclure un lien vers le passé, vers la reconstitution qu'il aime tant. Néanmoins ce qui est remarquablement bien vu, c'est l'intégration dans le récit et l'écho qui s'y fait. Dommage que le final paraisse un peu facile et expédié. C'est tout de même largement compensé par un Tommy Lee Jones qui domine tout le film, face à un John Goodman remarquablement dégueulasse. Un vrai petit plaisir de cinéaste, en somme.

Fiche Cinelounge


Les Commandos passent à l'attaque, de William A. Wellman (1958)

Wellman m'avait quelque peu sonné avec le remarquable Bastogne, grand film de guerre à la modernité et au réalisme exceptionnels. Les Commandos passent à l'attaque est un film plus mineur, assez classique, mais néanmoins intéressant dans les évènements qu'il décrit, à savoir la création des Rangers. Il faut néanmoins endurer une heure de prologue passablement longue avant que le film ne se plonge vraiment dans son sujet. Si la phase de "drill" est plutôt intéressante, les pérégrinations amoureuses en parallèle sont franchement balourdes. Il faut en plus supporter un humour graveleux parfois bien lourd. La deuxième heure de film, centrée sur les combats, est en revanche d'un tout autre niveau. Une fois de plus on sent à quel point Wellman connaît le sujet qu'il traite, lui-même vétéran. Même la psychologie des soldats est plus intéressante dans les phases de combat que dans les phases "civiles". Un film de guerre un peu mineur donc, mais cela dit pas déplaisant et parfois impressionnant.

Fiche Cinelounge


La Maison du Docteur Edwardes, d'Alfred Hitchcock (1945)

Hitchcock de très haute volée, Spellbound (de son titre original) est un exercice de style vraiment saisissant. Évidemment on retrouve dans chaque plan, chaque séquence, les éternelles caractéristiques qui depuis ont forgé le style de l'auteur, à ceci près qu'ici deux paramètres viennent apporter une touche unique : d'une part, les fantasmes visuels des rêves conçus par Dali, d'autre part la partition avant-gardiste de Miklós Rózsa qui résonne parfois presque comme celle d'un film de science-fiction. Armé de sa précision millimétrée habituelle, Hitchcock taille ici un film résolument moderne, peut-être un de ceux dont la modernité évoque le plus celle de son descendant, Brian De Palma. On repense au fameux plan avec le rasoir, semblant sortir d'un slasher des années 70. Et ici, une fois n'est pas coutume, si ça n'est pas Gregory Peck qui illumine, c'est bel et bien la géniale Ingrid Bergman, au personnage tellement hitchcockien, mais tellement beau.



Fitzcarraldo, de Werner Herzog (1982)

Encore un film qui confirme que 1982  est l'une des plus grandes années du Cinéma. Fitzcarraldo s'inscrit dans tout ce que j'aime : de l'aventure aux tréfonds du monde connu sur fond de  Richard Wagner. Et plus généralement, c'est bien là un aspect qui me fascine dans le cinéma de Werner Herzog : prendre une caméra et aller filmer des choses improbables ou impressionnantes dans des paysages mystiques et inconnus. Et il le fait remarquablement bien, Fitzcarraldo est un film de passionné qui veut sublimer ce que sa caméra capte. On ne peut pas faire plus simple comme histoire ou comme enjeu, et pourtant Herzog travaille ses personnages et son environnement, travaille son action pour proposer une virée fluviale une fois de plus hors-du-commun. On se croirait vraiment dans un périple d'un autre temps à la Joseph Conrad, où l'aventure burine l'humain comme en témoigne le visage magnétique de l'hypnotique Klaus Kinski. Immense film.

Ficne Cinelounge



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