samedi 27 décembre 2014

[Avis en vrac] Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées (2014), Astérix : Le Domaine des Dieux (2014), Predestination (2014), Housebound (2014), Wake in Fright (1971), L'Homme qui voulait savoir (1988), Jarhead (2005), Monsieur Quigley l'Autralien (1990), Oblivion (2013), Nosfatu fantôme de la nuit (1979) Justice pour tous (1979), Les Douze travaux d'Astérix (1976), L'Adieu au Roi (1989), Le Nouveau Monde (2005), L'Homme au complet gris (1956), Man of Tai chi (2013), Les Anges aux figures sales (1938) et The Knick (2014)

AU CINÉMA 


Avant tout, deux critiques rédigées par mes soins pour le site Filmophère sur lequel je vais désormais écrire en parallèle :
- Secret d'Etat, de Michael Cuesta (2014)
- Queen and Country, de John Boorman (2015)


Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées, de Peter Jackson (2014)

Comment peut-on conclure une saga de manière autant hors-sujet alors que le premier volet, que je trouve fabuleux, avait tout compris ? Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées sacrifie la quête de l'intime que j'appréciais tant au profit d'une action de grande envergure, la fameuse bataille, probablement pour recoller avec l'épique sur lequel se concluait Le Seigneur des Anneaux. Mais c'est dommage, cette saga n'en avait pas besoin. Aucun doute cela dit sur le fait que les reshoots aient véritablement joué, au point de transformer totalement le fond de l'adaptation. On pourra éventuellement trouver plein de choses réussies quant aux scènes d'action (comme la bataille où Jackson se lâche ou encore la splendide -mais trop prématurée- mort de Smaug), mais l'essentiel semble absent, la quête disparue avec sa profondeur, et Bilbo relégué au second plan. Lui qui évoluait dans les deux premiers opus (notamment dans Un Voyage Inattendu où il a la plus belle scène de la saga, quand il laisse la vie à Gollum) est ici ignoré. On comprend aisément pourquoi le titre original "Histoire d'un aller-retour" a changé, et c'est bien triste, j'aimais ce qu'il induisait. Le film est ici plus court, quelque part assez efficace, très généreux, mais sans que cela ne me convainque réellement. D'autant plus que certains aspects du récit sont inachevés ou bâclés, et qu'en parallèle un fan-service gratuit se ressent beaucoup trop. Éventuellement divertissant, mais ça n'est simplement pas ce que j'attendais. A revoir en version longue.



Astérix : Le Domaine des Dieux, d'Alexandre Astier et Louis Clichy (2014) 

A l'heure où la saga Astérix s'embourbe dans des adaptations live aux allures blockbusteresques désespérantes de nullité, l'idée d'avoir Alexandre Astier aux commandes de l'adaptation de l'un des meilleurs albums des aventures du célèbre Gaulois peut rassurer. Malheureusement, on déchante bien vite devant Astérix : Le Domaine des Dieux. L'ensemble est d'une pauvreté affligeante, reléguant l'opus non loin des précédents. Bien que reprenant la charte graphique et la trame de l'album, l'esprit Astérix semble absent, sacrifié sur l'autel d'un formatage culturel peu jouasse. D'autant plus paradoxal quand le fond de l'album de Goscinny et Uderzo traitait justement de préservation culturelle. Les gags sont lourds, bêtes, peu originaux quand ils ne se contentent pas d'en recycler des déjà utilisés. A noter d'ailleurs à ce sujet-là un générique curieusement pompé sur Tintin et le Secret de la licorne. L'ensemble manque cruellement d'envergure, les personnages ne sont pas approfondis, ni aidés d'ailleurs par un casting vocal abominable. Il serait temps de comprendre que doubleur, c'est un métier. Même Roger Carel, dont on reconnaît avec plaisir le timbre, semble tout de même absent dans ses intentions.

Le point le plus choquant reste que c'est profondément moche. Bien qu'Astier ait co-réalisé le film avec un ex-animateur de chez Pixar (et seulement animateur contrairement à ce que j'ai pu lire ailleurs sur le net), l'ambition visuelle est totalement absente, l'image est plate et rien ne vit, en parallèle d'une mise en scène extrêmement statique, voire même, lâchons-le mot : téléfilmesque. On se demande où est l'héritage des précédentes adaptations animées, qui, bien que techniquement pas toujours très abouties, offraient une immense variété dans l'image, dans la palette des couleurs, des décors et des animations pour rendre l'univers vivant. Et puis surtout : c'était drôle.

Ici, la blague la plus drôle de l'album ("Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide") succombe au profit du politiquement correct, de la culture pop formatée et du cinéma télévisuel. Un coup d’œil aux boites de production suffit : distribué par SND (Groupe M6), et co-produit notamment par
M6 Studio, M6 Films, M6,  W9, Canal+ et Ciné+. Voilà voilà.



Predestination, de Michael Spierig et Peter Spierig (2014)

Vu au PIFFF.

Ayant plutôt été emballé par l'agréable surprise qu'était Daybreakers, découvrir un nouveau film des frères Spierig mettant en scène une histoire de voyage dans le temps, avec Ethan Hawke, m'intriguait. Bien rapidement, on comprend les problèmes auxquels Predestination va se confronter : c'est foutraque. Le paradoxe temporel étant déjà compliqué à traiter avec honnêteté au cinéma (la référence restant toujours L'Armée des 12 Singes ainsi que La Jetée évidemment), une avalanche de paradoxes temporels ne va pas aider. Pourtant, l'ensemble n'est pas désagréable ni même mal-intentionné. C'est même assez ambitieux, mais profondément maladroit à tel point qu'à force d'accumuler, le film ne sait même plus comment se conclure. Le mindfuck final apparaît presque comme une grosse facilité finalement assez prévisible. Dommage pour les frangins Spiering qui, contrairement à leur précédent film, n'arrivent pas ici à s'évader de leur concept pour proposer quelque chose.



Housebound, de Gerard Johnstone (2014)

Vu au PIFFF.

A l'horizon de la parodie du film d'horreur, rien de neuf. Housebound est un film de plus qui écule des clichés déjà trop éculés par d'autres comédies, à tel point que c'en devient parfois navrant. Le film ne propose véritablement rien, ni idée ni audace. Et un film dans lequel il y a aussi peu d'ambition, et dans lequel les personnages ont aussi peu d'intérêt est assez difficile à suivre. L'ennui est profond. Dans le premier tiers, certains gags fonctionnent éventuellement, mais leurs ficelles cèdent trop vite, quand certains ne sont pas carrément trop vulgaires pour être intéressants. L'esprit grotesque de Sam Raimi n'est jamais loin, au détriment du film d'ailleurs. A force de vouloir calquer sans idée des concepts déjà éculés maintes fois par les meilleurs, que reste-t-il ? Pas grand chose. Un film bête et vulgaire qui ne saisit pas que "jouer sur les clichés", ça ne suffit pas.

Fiche Cinelounge


Wake in Fright, de Ted Kotcheff (1971)

Vu au PIFFF.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Wake in Fright ne constitue pas la publicité la plus encourageant pour découvrir l'outback australien. C'est un film profondément terrifiant et malsain. D'autant plus que son ambiance, bien que paraissant dépasser les frontières du réel, conserve toujours son caractère plausible... La vérité n'est jamais totalement éloignée. Et ainsi de suite, la tournure prise par le périple est encore plus malsaine qu'elle ne l'était déjà. La séquence de chasse aux kangourous m'a  estomaqué par son caractère cru, brut de décoffrage. On ne sait plus où se mettre ni même quoi penser du personnage principal qui ne fait que d'aller d’abîme en abîme. Je suis tenté d'observer qu'à un moment, c'est presque trop. Ça m'a dépassé, je ne savais même plus quoi penser du film. La preuve s'il en est d'une expérience fascinante, dérangeante, pour ne pas dire traumatisante. A voir dans de bonnes conditions.

Fiche Cinelounge


L'Homme qui voulait savoir, de Georges Sluizer (1988)

Vu au PIFFF.

Le cas typique d'un film où j'aimerais que l'on m'explique ce que j'ai raté. Ça n'est pas tant que j'ai trouvé L'Homme qui voulait savoir mauvais (enfin si, déjà, un peu), c'est surtout qu'en vérité il m'a fait hurler de rire. Pourtant il paraît que Stanley Kubrick lui-même le trouve grandiose. On tient une histoire plutôt intéressante dans le concept, dans notamment le fait que la plus insensée des violences puisse se trouver chez un homme banal du quotidien. C'est un thème très intéressant. Mais voilà, on peut avoir ce thème très intéressant et l'exploiter tant bien que mal, outre le fait que ce soit réalisé n'importe comment, que le directeur de la photo soit absent, le chef-décorateur au chômage et ainsi de suite... Je ne peux pas prendre au sérieux un thriller psychologique qui s'arrête le temps d'une longue séquence pour disserter sur pourquoi c'est rigolo de s'appeler monsieur Pouf. Et là c'est le fou rire. Sans parler du kidnappeur interprété par Bernard-Pierre Donnadieu. Alors certes, je veux bien que ce soit justement un homme du quotidien qui n'a pas l'habitude de ces choses et fait des erreurs... Mais dans le cas présent j'avais l'impression d'être face à une sorte de François Hollande des violeurs, ou un personnage étant la suite spirituelle de Pierre Richard. Et quelque part c'est malheureux car je riais tellement que je suis probablement passé à côté de plein de choses, même si bon, je me demande quel est l'intérêt du symbolisme ronflant qui parsème le récit. D'autant plus dommage que tout le film, profondément à côté de la plaque sur la forme, conduit à une séquence finale terrifiante qui m'a vraiment surpris. Mais il aurait fallu refaire tout le film en conséquent... Parce que le résultat est que j'ai quand même beaucoup ri. Monsieur Pouf quoi... MONSIEUR POUF !

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EN VIDÉO


Jarhead, la fin de l'innocence, de Sam Mendes (2005)

Évidemment Jarhead a toute une face qui apparaît comme une relecture moderne de Full Metal Jacket (qui ne m'a jamais transcendé au demeurant). Mais là où le film de Sam Mendes devient intéressant, et prend tout son sens dans notre époque contemporaine, c'est qu'il s'intéresse au grand vide de ces soldats qu'on a formatés à faire la guerre, transformés en tueurs d'élites alors qu'il n'auront jamais vraiment l'occasion de presser la détente. D'une part, cette attente qui bouffe les hommes me rappelle Le Désert des Tartares, et d'autre part, la violence qu'ils forgent en eux, n'ont pas pu exprimer, et donc ramènent avec eux au pays, me rappelle la scène d'introduction des Fantastiques années vingt lorsque Bogart, à peine l'armistice de la Grande Guerre signée, dit qu'il va rapporter son fusil au pays comme souvenir. Toute une génération est complètement conditionnée par la culture de la violence (en témoigne également la scène où les Marines regardent Apocalypse Now). Le spectateur aussi, quelque part, fasciné par ce qu'il voit, trouvant même une forme de beauté malsaine dans les somptueuses scènes de nuit des champs pétrolifères en feu, qui rappellent évidemment les plus belles photos de Salgado. Définitivement le fruit d'un auteur qui n'est pas n'importe qui dans le cinéma américain.

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Monsieur Quigley l'Autralien, de Simon Wincer (1990)

Avouons que la perspective d'un western avec Tom Selleck laisse tout de même dubitatif. Néanmoins, le contexte géographique de Monsieur Quigley, l'Australien (quel titre nul) est tout de même assez intéressant. Alors bien entendu, il s'agit néanmoins d'un western extrêmement classique : un gentil très gentil, des méchants très méchants, une fille qui s'éprend du héros, une cause noble perdue d'avance à défendre, etc etc... Cela dit l'ensemble est quand même fort agréable et plutôt efficace : Quelques idées de réalisation qui marchent bien même si le tout est évidemment plutôt impersonnel, des fusillades assez agréables qui mettent judicieusement en valeur le fusil Sharps de Quigley, et puis évidemment Alan Rickman qui cabotine en méchant pour notre plus grand plaisir. Et puis après tout, Tom Selleck ne rend pas trop mal. En prime, la sympathique composition de Basil Poledouris !

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Oblivion, de Joseph Kosinski (2013)

Après avoir rattrapé le raté World War Z, je me mets à Oblivion, que je m'étais résigné à ne pas voir à sa sortie vu les piètres retours que j'en avais eu. Critiques sévères qui malheureusement sont un peu justifiées. D'autant plus dommage alors que j'avais trouvé Tron Legacy extrêmement bien fichu, assumant son concept de part en part tout en proposant de l'entertainment visuellement abouti. Ici, la recette semble pourtant similaire mais est totalement gâchée par un élément bien concret : l'écriture. Le scénario ne va nulle part. Si le concept de l'histoire est éventuellement alléchant bien que faiblard, le traitement qu'en fait le scénario n'aide pas, entre personnages inaboutis, répliques fades et péripéties laborieuses. Reste un film de designer. L'ensemble est plutôt mis en scène avec précision (malgré quelques fautes de goût dans des effets douteux), on sent le réalisateur qui a des idées et de l'ambition. Il faudrait simplement revoir le travail des scénaristes avant tout. Et la musique également, car la diarrhée auditive composée par M83 en vient à détruire l'intensité de certaines séquences. Heureusement qu'il y a Tom Cruise, bien que dans le registre si convoité du "Tom Cruise movie", on ait été bien plus gâté cette année avec le très sympathique Edge of Tomorrow, qui justement réussit là où Oblivion échoue.

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Nosferatu fantôme de la nuit, de Werner Herzog (1979)

J'adore la manière avec laquelle Werner Herzog s'approprie des sujets parfois déjà traités, comme dans le cas présent (ce qui me fait attendre énormément son prochain film, Queen of the Desert). Une fois de plus, Nosferatu peut se percevoir comme l'expédition d'un aventurier dans une terre inconnue semblant être au bord du monde. Wagner accompagnant, comme toujours, le périple est majestueux, fascinant, magnétique. Bien que Herzog conçoive son film presque comme un muet, évidemment sorte de relecture du Murnau, il le traite avec une modernité déconcertante. Le rythme est profondément lent, inquiétant, alors que l'ombre grandissante du vampire Klaus Kinski dévore les personnages. Les années 70 permettent de traiter avec plus de profondeur tout le caractère significativement érotique du mythe, devenant une histoire de pénétration. Les personnages sont sublimes, Adjani plus belle que jamais aux côtés d'un Ganz impuissant, et d'un Kinski tellement beau derrière ses airs profondément pathétiques. C'est fabuleux que chaque adaptation de grand maître de l'histoire du livre de Bram Stoker propose à chaque fois quelque chose d'aussi différent. Un film quelque part difficile d'accès, qui laisse un sentiment étrange, indescriptible. C'est quelque chose.

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Justice pour tous, de Norman Jewinson (1979)

Les films sur la justice (du moins les réussis) sont souvent la promesse d'avoir une écriture assez fine, incisive, quand ce n'est pas brillante. Justice pour tous amène en plus tout le punch du Nouvel Hollywood, porté dans les tripes d'Al Pacino (remarquable comme toujours à cette époque). Le résultat est plutôt simple, penché sur le réel, et donc marque assez rapidement la différence avec les œuvres plus classiques et davantage portées sur une verve pompeuse. L'univers a tout de même ses dérives un peu déjantées, typiques de la décennie, qui apportent un vrai dynamisme. D'autres scènes, plus graves, sont très touchantes. Une fois de plus, la justesse de l'interprétation d'Al Pacino n'y est pas étrangère, sans parler de l'efficacité avec laquelle Norman Jewinson (souvent oublié, mais très belle carrière) le filme. On repense à la simplicité de la mise en scène de Stanley Kramer dans un film comme Devine qui vient dîner ce soir ?, simple mais allant également droit au but. Bonne petite pioche.

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Les douze travaux d'Astérix, de René Goscinny et Albert Uderzo (1976)

Revisionnage.

Motivé par le calamiteux Astérix et le Domaine des Dieux, j'entreprends de me refaire l'intégrale cinématographique (en animé) des aventures du célèbre Gaulois. Peu de doutes sur le fait que Les douze travaux d'Astérix figure parmi le panthéon des adaptations de bandes dessinées sur le grand écran. En tout point, le film est remarquable. Porté par la verve de Goscinny et le trait graphique si simple mais si beau d'Uderzo, le film est un véritable bonheur à l'efficacité ignorant les ravages du temps. Avec le temps et les revisionnages, on se rend compte que la mise en scène est d'une précision ahurissante et surclasse sans appel celle de la dernière adaptation en 3D. Les éventuelles failles techniques sont compensées par une direction artistique exemplaire et richissime, il suffit de voir ces designs de décors ou encore ces arrière-plan parfois somptueux où il se passe toujours quelque chose. Les aquarelles de l'île du plaisir l'illustrent parfaitement. Et puis tout simplement, c'est drôle, bougrement drôle... enfin c'est hilarant. D'autant plus que l'inventivité des séquences au fur et à mesure des douze travaux empêche toute redondance, toute feignantise dans l'écriture. Fabuleux de A à Z, un des sommets de l'animation française.

Mention spéciale évidemment à la maison des fous, le tacle le plus juste (et toujours d'actualité) sur l'administration à la française. Délicieux.

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L'Adieu au Roi, de John Milius (1989)

Une œuvre de Pierre Schoendoerffer adaptée par John Milius, avec Nick Nolte en tête d'affiche et Basil Poledouris à la musique, avouez que cela donne plutôt envie. L'Adieu au Roi est un film assez simple mais profondément beau, fruit d'un grand auteur trop souvent oublié. L'invitation au périple dans des tribus isolées réunies pour lutter contre l'envahisseur nippon rappelle Lawrence d'Arabie. D'autant plus que l'impérialisme britannique est aussi ici assez justement en ligne de mire. Évidemment, il serait tout de même assez malhonnête de ne pas avouer que c'est surtout l'incroyable Nick Nolte qui tient tout le métrage. Définitivement, entre la fin des années 80 et le début des années 90, il a été un des meilleurs acteurs du cinéma américain. A priori peu subtil, son personnage se découvre progressivement et laisse entrevoir l'immense talent de son interprète. Malgré un rythme éventuellement plan-plan, le film de Milius n'en reste pas moins une aventure de choix qui ne mérite pas d'être oubliée.

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 Le Nouveau Monde, de Terrence Malick (2005)

Revisionnage en version longue

Je n'avais pas revu le film de Malick depuis sa sortie, et autant dire que depuis, ma perception de son auteur a évolué, sans parler d'une version longue qui rend l'expérience qu'est Le Nouveau Monde encore plus unique. Avant tout c'est surtout l'histoire d'un contexte qui évidemment attire énormément, d'autant plus que le cinéma contemporain ne l'a pas forcément énormément traité (alors que l'histoire est on-ne-peut-plus visitée et revisitée depuis, quel paradoxe). Malick a l'intelligence de se "débarrasser" assez subtilement des codes du genre, il évite ainsi le sérieux de la reconstitution pompeuse et faste (que j'apprécie également néanmoins) et retrouve des personnages qu'il aime tant. Avec intelligence, une fois de plus, il n'en privilégie aucun ou n'en méprise aucun parmi le trio, bien que le personnage de Farrell bénéficie évidemment de davantage de temps à l'écran que celui de Bale (qui trouve d'ailleurs un de ses meilleurs rôles). Mais comme c'est fait avec à la fois légèreté et brio, l'histoire est intense du début à la fin, et on est d'autant plus captivé par les images 70mm que nous offre Malick. Je retiens aussi la somptueuse partition d'un James Horner qui n'aura rarement été si inspiré dans les années 2000.

Et parce que je ne parle pas forcément très bien de Malick, j'en profite tout de même pour conseiller le livre à venir de mon ami Alexandre Mathis, "Terrence Malick et l'Amérique". Vous pouvez faire confiance au monsieur !

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L'Homme au complet gris, de Nunnally Johnson (1956)


Curieux film. Curieux car je n'ai pas vraiment saisi où L'Homme au complet gris voulait en venir. La première heure est tout bonnement remarquable, mettant en scène le quotidien d'un working man américain dans les années 50, en parallèle du trauma dont il souffre, lié à la Seconde Guerre Mondiale. Outre une éventuelle influence très plaisante dont jouira la (fabuleuse) série Mad Men, la question de la réinsertion sociale de toute cette génération est passionnante. Passé la première heure, on se demande tout de même où le film nous emmène. Psychanalysant, pas toujours subtilement d'ailleurs, le grand vide de la société américaine des années 50, évidemment représentée notamment à travers le personnage de Gregory Peck (très bon comme d'habitude), le récit se perd un peu, l'enjeu devient trouble et indiffère un peu, jusqu'à cette conclusion très expédiée. J'ai été un peu déboussolé car je ne m'y attendais pas, du coup peut-être est-ce à revoir. Car sur le reste, le film est tout de même impeccable, je pense notamment à un jeu des couleurs dans la photographie qui est fort bien pensé, autour du terne et du grisaillant.

Fiche Cinelounge


Man of Tai Chi, de Keanu Reeves (2013)

Certes, Man of Tai Chi, c'est nul, et je l'ai cherché. Néanmoins il s'avère que j'ai une immense sympathie pour Keanu Reeves depuis le génial documentaire Side by Side dont il est producteur et présentateur, mais aussi plus récemment pour le très agréable John Wick, série B ultra-efficace de derrière les fagots dont il est également producteur. Le voir passer derrière la caméra tend à intéresser, d'autant plus qu'il y a quelques temps il mettait en avant un système de bras pour caméra assez génial qui aurait permis éventuellement une petite révolution dans le film d'arts-martiaux. Le premier problème de Man of Tai Chi, c'est déjà qu'il ne bénéficie pas de ce système, vraisemblablement pas achevé. Donc malheureusement on se retrouve avec un film classique proposant lui-même des combats tout ce qu'il y a de plus classiques, parfois saccagés par un découpage dans la mise en scène complètement raté pour ne pas dire aberrant. Quant au reste, c'est terriblement mal interprété (Keanu Reeves en complète roue libre) mais c'est avant tout très mal écrit. Même l'enchaînement des péripéties est sans intérêt, sans parler de cette enquête policière qui ne va nulle part... C'est malheureux. Désolé Keanu, je t'aime bien, mais c'est poubelle, même si j'ai bien rigolé.

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Les Anges aux figures sales, de Michael Curtiz (1938)

J'abordais Les Anges aux figures sales avec une appréhension certaine, dans la mesure où je redoutais que Michael Curtiz (que j'apprécie notamment pour ses fresques d'aventures) soit dans l'ombre des Raoul Walsh et consort, bien qu'après tout ses preuves soient faites dans le genre (Casablanca oblige). Eh bien que nenni, car si le film de Curtiz est non seulement brillant en tant que pur film du genre, il est surtout d'une émotion et d'une intensité rare. La dimension humaine conférée aux personnages donne une emphase touchante avec la descente aux enfers du personnage de Cagney, d'autant plus bouleversante par la relation qu'il a avec son ami d'enfance devenu prêtre, ici sublimement interprété par Pat O'Brien. Le traitement de l'icône du gangstérisme est remise en question avec habileté et le regard qu'y portent les enfants fait toute la différence. Les scènes finales consacrent un film jusqu'au-boutiste, profondément beau sur le plan humain, et surtout intemporel. Le final du personnage de Cagney a de quoi rester gravé dans les mémoires.

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Johnny Express, de Kyungmin Woo (2014)

Un petit mot également sur le très drôle court-métrage coréen qu'est Johnny Express (visible ici), tout simple et très court, mais d'une efficacité record, avec des idées de mise en scène et un visuel agréable.



Fiche Cinelounge


SÉRIES


The Knick (2014)

Bénéficiant d'une première saison intégralement supervisée et réalisée par Steven Soderbergh, The Knick est sans conteste un modèle de ce que la série peut offrir. Outre un contexte très intéressant (le milieu hospitalier new-yorkais en 1900), on y trouve un cinéaste qui jouit d'un d'épanouissement salvateur et permet à la série de bénéficier d'une précision cinématographique, ou plutôt chirurgicale, pour rester dans le jargon de l'univers. En parallèle des nappes sonores synthétiques de Cliff Martinez, l'esthétique froide ou sépia ultra-numérique de The Knick est unique. Fidèle à la patte de son auteur, elle risque de diviser, mais constitue néanmoins un choix osé et pertinent qui fait défaut à beaucoup de productions audiovisuelles. La réalisation est remarquable et multiplie les plans séquences à la fois virtuoses et sobres, quand ce ne sont pas des petites mais brillantes idées de mise en scène qui pullulent. L'écriture des personnages rappelle tantôt celle de Mad Men, tantôt celle de Boardwalk Empire. Le niveau se pose là. On pourrait même faire un parallèle entre le personnage de Clive Owen (qui d'ailleurs trouve un rôle idéal pour se lâcher complètement et se renouveler) et celui de Jon Hamm dans la série des publicitaires. Une géniale découverte que je recommande chaudement.

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