mardi 28 avril 2015

[Avis en vrac] Vus et revus en 2015 #3


Hacker, de Michael Mann (2015)

Comme toujours, j'ouvre avec les articles écris en parallèle pour le site Filmosphere, en complément :

Cendrillon, de Kenneth Branagh (2015) :

Good Kill, d'Andrew Niccol (2015) :

Fast & Furious 7, de Justin Lin (2015) :


Films chroniqués ci-dessous :
Hacker (2015), The Voices (2014), Shaun le Mouton : le film (2015), Every Thing will be fine (2015), Sea Fog : les clandestins (2014), Enfant 44 (2015), Big Eyes (2014), Night Run (2015), Dear White People (2014), Lost River (2014), La Sapienza (2014), Star Trek : le film (1979), Les Valseuses (1974), L’Obsédé (1965), Le Grand embouteillage (1979), La Croisière du Navigator (1924), La Légende de Beowulf (2007), Le Cygne Noir (1942), Superman (1978), Superman II : The Richard Donner Cut (1980/2006), Superman III (1983), Superman IV (1987), Superman Returns (2006), Supergirl (1984), Man of Steel (2013), Un flic à la maternelle (1990), Elle et lui (1957), The Party (1968), Un Crime dans la tête (1962) et Panic sur Florida Beach (1993).


AU CINÉMA – ACTUALITÉS


Hacker, de Michael Mann (2015)

Chaque film de Michael Mann est une sorte d’évènement de cinéphile un peu inédit, bien que depuis le grandiose, mais hélas mal-aimé Miami Vice, le réalisateur divise bien plus qu’autrefois. Hacker, de nouveau, est un Michael Mann total. Quelque part, cela n’était qu’une question de temps pour le cinéaste américain le plus urbain (et le plus virtuose dans ce genre) de s’engager sur la voie de l’univers digital et d’aller filmer les nouvelles villes virtuelles qui s’y sont créés. Dès les premiers plans du film, Mann se réinvente et une fois de plus propose une expérience cinématographique hors-du-commun, un jeu d’échelle monumental sur la connectivité du numérique, que bien des réalisateurs ont essayé, en parvenant rarement à un résultat convaincant. Dès les premières minutes, on sait que l’on va vivre une expérience unique. Mann reprend l’univers magnétique et absorbant de Miami Vice, et au fur et à mesure de l’avancement de son récit, se désintéresse d’une histoire classique pour se concentrer sur des personnages et atmosphères. Le thriller qui émerge est de nouveau unique, impalpable, voire même fantastique dans ce final incroyable. Encore un immense film du cinéma américain que l’on doit à Michael Mann.


 The Voices, de Marjane Satrapi (2014)

Les projets de Marjane Satrapi me plaisent beaucoup et j’admire son parcours. Avec The Voices elle trouve l’opportunité de franchir l’Atlantique (bien qu’ironiquement le film soit tourné en Allemagne) avec cette comédie noire bien fraiche. Si le sens de la drôlerie est assez fin et utilisé avec une parcimonie certaine pour ne pas transformer l’ensemble en comédie de genre bouffonne et marcher sur les plates bande de Sam Raimi, il y a une vraie maîtrise du récit et des personnages, au sein d’un ton assez particulier qui finalement correspond bien à la réalisatrice. Et derrière ses airs gentillets ou un peu vains, The Voices sonde également les dérives de cette Amérique profonde en carton-pâte. Une sorte de vision jouissive et arriérée de Killer Joe (qui traitait déjà d’un univers d’arriérés, c’est dire), prenant une dimension supplémentaire hilarante dans son génial générique de fin. Et Ryan Reynolds, à la surprise générale, illumine tout le métrage, dirigé d’une main de maître(sse).

Shaun le Mouton : le film, de Richard Starzack et Mark Burton (2015)

Bien que je n’aie jamais regardé la série, je ne pouvais qu’être enthousiaste à l’idée d’un nouveau film Aardman, l’un des derniers studios à préserver tant bien que mal une patte (voire même, une pâte !) aussi unique. Shaun le Mouton parvient dès le départ à restituer cette ambiance très simple mais bougrement universelle et atemporelle qui fait le charme des productions du studio. A l’instar du très bon Minuscule : La vallée des fourmis perdues, ici le parti est de mise d’avoir un film muet, ou tout du moins sans dialogues audibles. La portée du film n’en est que plus grande, ouverts du coup aux petits mais à l’humour parfois assez bien vu pour faire plier de rire plusieurs générations. Et puis, c’est mignon comme tout !

Fiche Cinelounge


Every Thing will be fine, de Wim Wenders (2015)

J’étais très intrigué par ce nouveau film de Wim Wenders, notamment pour le simple fait qu’il soit en 3D. Every Thing will be fine ne risque aucunement de décevoir sur ce point grâce au visuel incroyable qu’il propose, conférant à la 3D une nouvelle dimension que l’on peut désormais appliquer au drame. Wenders comprend que le relief, ici simple et réel (à part quelques pics de stylisation) rapproche des émotions de ses personnages. Quelque part, même si les directions artistiques sont radicalement opposées, je repense au très sous-estimé Twixt de Francis Ford Coppola, qui lui également revenait sur le syndrome de la page blanche chez un écrivain, puisant dans un drame personnel, le tout avec une volonté d’expérimentation technique. Bien que le scénario du Wenders se perde éventuellement dans les nombreuses directions qu’il emprunte, il finit par prendre un curieux mais beau sens à la toute fin. Très imparfait, mais foutrement intéressant, porté par un casting de choix (j’apprécie franchement de plus en plus James Franco), formellement assez incroyable (les travellings compensés en 3D, c’est quand même quelque chose) et à l’ambiance enivrante, renforcée d’ailleurs par la partition d’un Desplat étonnement inspiré dans ses influences puisées chez Bernard Hermann. A voir !




Sea Fog : les clandestins, de Shim Sung-bo (2014)

Je ne suis pas forcément un fin connaisseur du cinéma coréen, mais j’ai tout de même découvert Sea Fog avec un certain enthousiasme, malgré ses défauts assez lourds. D’emblée, il faut quand même saluer l’ambition d’un tel premier film, une histoire simple mais aux enjeux prenant et permettant de s’amuser à travers les codes de différents genres, comme semble l’affectionner les cinéastes coréens. Le problème étant ici éventuellement que le dernier tiers tire trop en longueur et s’engouffre démesurément dans un certain manque de subtilité, que le reste du film parvenait à équilibrer. Je repense éventuellement à cette musique parfois lourde qui vient casser l’intensité naturelle de certains plans. En reste tout de même un chouette film d’atmosphère, sans concessions et aux interprétations soignées, notamment pour l’excellent Kim Yun-seok.




Enfant 44, de Daniel Espinosa (2015)

Intéressante perspective que cette enquête policière dans la Russie industrielle des années 50. Enfant 44 vaut avant tout pour l’atmosphère léchée qu’il dégage dans sa reconstitution soignée et prenante (peut-être la marque de la production Scott Free), mais aussi pour un chouette casting de gueules qu’il est agréable de retrouver dans des rôles autant taillés pour eux. Dommage que le scénario en lui-même s’éparpille trop et que l’enquête proposée ne soit finalement pas des plus passionnantes, rendue d’autant plus bancale par le rythme laborieux. Mais l’ensemble conserve un certain charme et se savoure à nouveau pour cette ambiance, lourde et peu subtile, mais plutôt maîtrisée.

Fiche Cinelounge


Big Eyes, de Tim Burton (2014)

Je suis profondément ennuyé par le cas Tim Burton, car si j’ai pensé pendant longtemps qu’il avait perdu le « mojo » (avec le terrible La Planète des Singes comme tournant), sa revisite très imparfaite, très prévisible mais honnête et modeste de Frankenweenie tendait à me faire croire que le bonhomme remontait la pente. Hélas, le constat n’est pas forcément confirmé avec Big Eyes, production convenue et consensuelle où la patte de son auteur ne se ressent que par quelques éléments de l’univers ou des thématiques, mais jamais dans l’audace de l’écriture. Peut-être prisonnier d’une production Weinstein et d’un film « tiré de faits réels », Tim Burton tombe dans l’écueil de mépriser le personnage qu’il met en scène, à l’inverse du regard que portait par exemple Martin Scorsese sur son arnaqueur, Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street. L’écriture est ici unilatérale et si le milieu du film pose des enjeux intéressants où l’écriture se redresse dans sa subtilité, tout le dernier acte, tournant à une parodie bouffonne que l’on pourrait croire venue d’un Woody Allen peu inspiré, trahit le manque d’intérêt de Burton pour l’histoire. Et pourtant, les enjeux sont là et pourraient être passionnants, mais à aucun moment, finalement, Burton ne semble s’intéresser au véritable enjeu dramatique de cette histoire : si son travail est reconnu et admiré, et qu’elle le continue, c’est grâce à lui. On hérite à la place d’un film certes pas désagréable, mais plutôt vain et où tout le monde est en roue libre (sauf Amy Adams, superbe, qui porte seule l’intérêt de l’histoire), et à la fin moralisatrice et terriblement consensuelle. A croire que tout le monde a fait ce film par-dessus la jambe, Tim Burton, Danny Elfman comme Bruno Delbonnel.



Night Run, de Jaume Collet-Serra (2015)

Ça n’est plus la peine de relancer une énième fois le refrain « mais où est passé Liam Neeson », désormais on sait qu’il est perdu, c’est fini. Si j’avais eu une certaine sympathie pour le très bête mais plutôt prenant Non-Stop (malgré l’absurdité du dénouement), je n’ai pu ici qu’être totalement consterné par Night Run, ce polar que l’on a déjà vu quarante-trois fois ces dernières années et qui a des fâcheux airs de DTV. Peu de choses à sauver dans le film de Jaume Collet-Serra, écrit et filmé n’importe comment, se voulant plutôt très punchy mais qui parvient quand même à endormir le spectateur. Point d’inquiétude suprême : l’atroce bande-son signée Junkie XL (une des pires de l’année, assurément), qui se charge également de celle de Mad Max : Fury  Road

Fiche Cinelounge



Dear White People, de Justin Simien (2014)

Un énième film abject du cinéma indépendant américain (et l’affiche est jaune !) qui entend traiter du racisme avec un regard nouveau, cool, provocateur mais pas trop. Ne nous méprenons pas sur Dear White People : il ne s’agit ni plus ni moins qu’un pastiche de Spike Lee vulgairement déguisé, mais dont la bêtise globale peut éventuellement atteindre les mêmes sommets. D’autant plus que dans sa prétendue offensive contre le racisme, on se demande si Justin Simien ne véhicule pas lui-même une vision rétrograde et raciste, dans un film où tous les blancs (sauf un) sont méchants, idiots ou profiteurs et où finalement on fait curieusement l’apologie du clivage communautariste. Presque rien à sauver, d’autant plus que du début à la fin il n’y a pas de cinéma, Dear White People ressemble à une sorte de sitcom. Foutage de gueule d’autant plus total et atroce lorsque le film se complait à se moquer de D.W. Griffith.




Avengers : L'ère d'Ultron, de Joss Whedon (2015)


En admettant que l'on puisse accorder une éventuelle sympathie au premier volet, pour son côté frais malgré ses airs télévisuels, Avengers : L'ère d'Ultron repousse les limites de la médiocrité des productions Marvel en délivrant un film incomensurablement boursouflé, d'une laideur record et d'une bêtise atterrante qui ne rend même plus le divertissement regardable. Passé un début d'ores et déjà très consternant, lancé in medias res, accouchant d'un propos faisant doucement l'apologie de l’interventionnisme dans une ambiance fascisto-suprémaciste plutôt douteuse, le film de Joss Whedon ne fera que s'enfoncer progressivement. Plus que jamais, le film est en mode automatique, jusqu'à un vomi d'action final qui n'a même pas de quoi satisfaire et qui se prend en plus très au sérieux. Presque rien n'est réussi ou ne serait-ce que correct, ni le personnage d'Ultron ne dégageant aucun charisme, ni cette vision des années 90 de "l'internet", ni les personnages inspides et inutiles aux Avengers que l'on veut à tout prix mettre en avant comme Hawkeye ou Black Widow (l'occasion de constater une fois de plus la vulgarité de Scarlett Johansson), ni cette réalisation ignoble qui saccage toute l'ampleur des combats, ni le Quicksilver version Whedon qui fait bien de la peine, et ainsi de suite... Seul le personnage de Vision est finalement intéressant, filmé comme Superman, mais il ne demeure pas vraiment exploité. En somme, une calamité du blockbuster, moche et dont on ressort abruti. Pour citer ce qu'a dit un critique "on dirait des chewing-gums qui se battent". Difficile de mieux résumer l'affaire. Et dire qu'on est parti pour dix ans au moins...


Fiche Cinelounge


Lost River, de Ryan Gosling (2014)

Afin de ne pas m’étendre outre-mesure sur Lost River de Ryan Gosling que j’ai trouvé profondément insupportable (je me suis demandé à plusieurs reprises si j’allais rester jusqu’à la fin du film), je ne peux que citer une petite phrase aperçue sur Twitter qui résume bien ce que je pense du film : « Ryan Gosling confond ”faire un film” avec ”faire un Tumblr en assemblant des gifs de David Lynch et de Mario Bava ». Et c’est malheureusement là que se situe, en grande majorité, l’immense problème du film : il n’a pas d’âme et n’est qu’un concentré infect des références de Ryan Gosling, références d’ailleurs ô combien originales puisqu’il se retrouve la plupart du temps à citer des réalisateurs avec lesquels il a tourné, Nicolas Winding Refn en tête de lice évidemment, mais aussi Terrence Malick. Malheureusement, citer des auteurs plus intéressants ne rendra pas Lost River meilleur ou plus intelligent pour autant, esquisse pompeuse et mal achevée qui ne fait que trop compter sur un visuel imbuvable et une atmosphère sonore superficielle. Un de mes pires films de l’année aux côtés de Réalité.



La Sapienza, d'Eugène Green (2014)

Autant l’avouer de suite, La Sapienza est le premier film à me faire quitter une salle en près de vingt ans (le dernier en date c’était quand j’étais petit, en 1996 !). Cet avis est donc extrêmement relatif puisque je n’ai tenu que quarante minutes devant ce film que je n’ai pas compris, devant cette absence de cinéma qui m’a rappelé les plus mauvaises productions de fin d’année en école de cinéma. C’est incroyable car même si de tels parti-pris sont sans aucun doute au cœur des intentions du film, je me demande comment il est possible d’atteindre un tel seuil d’emmerdement maximal, comment peut-on infliger ça à son spectateur, quand bien même l’on cache une quelconque intention derrière. En sus de cette diction intenable des acteurs, qui rend le film irritant au possible, je n’ai pu que constater l’horreur formelle de ce que j’ai vu, cette pauvreté numérique aux mouvements de caméra saccadés et amateurs qui n’arrivent même pas à donner un tant soit peu de valeur aux monuments italiens filmés. Une purge, je n’en ai pas cru mes yeux (ni mes oreilles).



AU CINÉMA - RESSORTIES


Star Trek : le film, de Robert Wise (1979)

Revisionnage.

Quel plaisir de pouvoir redécouvrir le film de Robert Wise sur grand écran (bien que la séance ait été partiellement gâchée par les spectateurs, mais c’est une autre histoire) ! Star Trek reste toujours autant une expérience poétique et sensorielle qui agit quasiment comme une alternative cosmique à 2001 : L’Odyssée de l’espace. On pourra toujours pester contre le rythme lancinant pour ne pas dire longuet, mais il instaure une atmosphère définitivement intense, renforcée tantôt par l’expérimentalisme sonore de Goldsmith, tantôt par ses envolées lyriques, alors que l’on savoure, une fois de plus, les compositions visuelles de Douglas Trumbull. Et ce final, ma parole, quel final, quelle beauté ! On a tout autant envie de lâcher « Oh my God, it’s full of stars »



Les Valseuses, de Bertrand Blier (1974)

Revisionnage.

C’est incroyable de pouvoir faire une comédie (si tant est que Les Valseuses en soit une, finalement) aussi libre et intense. Le redécouvrir est d’autant plus nécessaire à l’heure du formatage intensif du genre, et le film de Blier permet de répondre à un vrai besoin d’évasion vers un cinéma sans limites, mêlant une hilarante vulgarité trash à un certain sens de la poésie macabre. On en ressort autant léger que choqué, ce qui quelque part est fabuleux. Bref, toujours autant, on est bien, là, à la fraiche.



L’Obsédé, de William Wyler (1965)

Si l’on me vend un film de William Wyler sur un détraqué mental, avec Terence Stamp dans le rôle-titre, je ne peux qu’être partant. Et évidemment, la réussite totale de L’Obsédé ne m’étonne pas venant d’un réalisateur dont l’audace et la modernité m’avaient déjà bluffé dans La Rumeur. La richesse principale de l’écriture est bien entendu le fameux obsédé en question, le « collector » comme l’appelle le titre original, sublime personnage à l’enjeu dramatique réel et à l’interprétation détonante de subtilité grâce au grand Terence Stamp. Du coup le film ne sombre jamais dans les travers désormais trop réguliers du genre et offre une alternative splendide mais terrible, dont le dénouement incroyable, bien qu’éventuellement attendu, est magnifié par la mise en scène d'un grand réalisateur. Une relecture moderne géniale de La Belle et la Bête.




Le Grand embouteillage, de Luigi Comencini (1979)

Il n’y a que les Italiens et leur cinéma unique pour avoir un concept aussi énorme que la perspective d’un embouteillage démentiel dans lequel on insert un casting all-stars. Le Grand embouteillage propose, dans une première partie, les traits caractéristiques (mais délicieux) de la comédie grotesque à l’italienne, en me rappelant par ailleurs l’improbable mais génial segment sur l’autoroute de Fellini Roma. Plus étonnement, la seconde partie du film entame un virage dramatique résolument morbide et inquiétant, transformant le film de Comencini en constat social terrifiant. Le segment est peut-être davantage bancale et fait trainer le film en longueur, jusqu’à ce que l’on se demande où tout cela nous emmène. Curieuse découverte, en tout cas.



La Croisière du Navigator, de Donald Crisp et Buster Keaton (1924)

Revisionnage en ciné-concert.

Je conservais un souvenir énormissime de ce Buster Keaton et force est de constater que ce revisionnage m’a quelque peu désappointé. Si La Croisière du Navigator reste un Keaton de qualité, il est finalement assez loin derrière les incroyables Le Mécano de la Général ou Le Cameraman. Toutefois, entre un début planplan et quelques passages à vide, on trouve quand même son compte en terme de gags géniaux. D’autant plus que Keaton a une certaine ingéniosité dans sa mise en scène pour permettre à ses aventures de gagner en ampleur, notamment dans une séquence sous-marine remarquablement bien fichue.



EN VIDÉO :


La Légende de Beowulf, de Robert Zemeckis (2007)

Revisionnage.

Il était sans doute impossible de pouvoir apprécier pleinement La Légende de Beowulf en 2007, lors de sa sortie. Fidèle à ses motivations d’expérimentateur, Robert Zemeckis livrait un film quelque part nouveau et dont la forme l’a catalogué trop rapidement au rang de simple vitrine technologique. Bien plus que cela, c’est une œuvre remarquable sur l’univers Viking et la tradition des contes oraux, thème central autour duquel le récit et son ton jouent. Rarement le choix de cette technique si particulière n’aura été autant justifié, conférant au film une atmosphère unique et fantasmée, comme une simple histoire déformée et mythique que l’on se transmet d’une génération à l’autre. C’est aussi l’occasion pour Zemeckis de passer la vitesse supérieure en termes de mise en scène, profitant de sa technologie dans chaque plan pour créer également peut-être le meilleur film en 3D jamais « tourné », au son de la musique puissante et épique d’un Silvestri déchaîné. Un chef-d’œuvre.



Le Cygne Noir, de Henry King (1942)

Coupons court : je pense qu’avec Le Cygne Noir j’ai vu l’une des plus belles esthétiques permises par le technicolor trichrome. Dès le début on est pris d’assaut par ces maquettes de galions incroyables (parmi les plus détaillées du genre), ces décors riches et foisonnants, éclairés par une lumière paradisiaque qui vient également sublimer le charisme décontracté de Tyrone Power. Le scénario n’est que prétexte à une débauche d’aventures, mais qu’importe, le spectacle est là, cohérent et remarquable, d’autant plus ponctué par la plastique agréable de Maureen O’Hara et le viril Anthony Quinn que l’on aime retrouver régulièrement en second rôle dans le genre. Sûrement pas aussi sombre que les autres films de Henry King, mais tout aussi réussi.



Superman, de Richard Donner (1978)

Revisionnage.

Je considère le Superman de Richard Donner comme le monument cinématographique devenu fondateur d’un genre qui hélas connaît aujourd’hui bien des dérives. Pourtant régulièrement oublié ou malaimé lorsque l’on aborde le thème des super-héros au cinéma, le film de Donner s’impose comme une sorte de blockbuster total, de l’entertainment démesuré, très ambitieux, au casting remarquable (rien que la courte mais superbe présence de  Glenn Ford est un cadeau) et finalement assez intelligent. Car c’est bien là toute l’adresse de Richard Donner et de son collaborateur Tom Mankiewicz (qui a repensé le scénario de Mario Puzo), avoir compris comment adapter les aventures de l’homme de fer avec un ton éventuellement décalé, sans pour autant trahir l’ampleur ou le sens du spectacle, sans tomber dans les travers d’une prise au sérieux ridicule, tout en multipliant les idées de cinéma, comme en témoigne ce début, à mi-chemin entre un mélange de 2001 : L’Odyssée de l’espace et 1984, et le plan-séquence improbable dans l’espace imaginé par Jodorowsky pour son Dune. Le résultat ? On y croit, bercé dans les airs par l’iconique Christopher Reeves et la partition incroyable de John Williams.



Superman II : The Richard Donner Cut, de Richard Donner (1980/2006)

Revisionnage.

L’éviction de Richard Donner au milieu du tournage de Superman II (pourtant conçu comme quasiment un seul et même film avec le premier, une grande fresque épique en deux parties) a malheureusement joué terriblement sur le destin du film, échoué dans les mains de Richard Lester qui a accouché d’un opus peu apprécié, peu appréciable d’ailleurs. Fort heureusement, la reconstruction du film avec cette fameuse Richard Donner Cut permet de redorer un peu son blason, bien que l’ensemble demeure évidemment encore un peu bancal. Ce montage-bricolage (incluant même des bouts d’essai) permet tout de même de se rendre compte de l’ampleur et des ambitions de Richard Donner après le premier volet Superman. Et la fin, encore une fois over the top mais très belle, parvient à conclure tout de même idéalement cet hétérogène mais bien chouette diptyque.



Superman III, de Richard Lester (1983)

Revisionnage.

C’est finalement le pauvre Richard Lester, de retour sur Superman III, qui livre le volet le plus faible de la saga. Malgré quelques idées sympathiques ou rigolotes, l’ensemble est constamment hors-sujet et manque surtout terriblement d’ambition avec cette histoire de piratage informatique qui aurait pu être avant-gardiste, mais finalement à dormir debout. Le dilemme interne de Kal-El pourrait être intéressant s’il n’était pas expédié d’une manière aussi ridicule. Tout au mieux on peut toujours se consoler avec le charme désuet qui reste éventuellement intact et empêche toutefois de passer un mauvais moment, bien que l’on se demande sérieusement où sont passées toutes les idées de cinéma apportées par Richard Donner, un peu comme le personnage de Lois Lane, absent presque tout le long du film.



Superman IV, de Sidney J. Furie (1987)

Revisionnage.

Le souvenir que m’avait autrefois laissé Superman IV était absolument terrible : un nanar cosmique produit par Menahem Golan et la « fameuse » Cannon Films. Et pourtant, force est de constater que toute la première moitié n’est pas si mal du tout. En dépit de quelques aspects un peu cheap ou d’un Christopher Reeves qui a perdu de sa forme, l’ambition est tout de même de retour, les enjeux (comme le démantèlement de l’arsenal nucléaire) sont intéressants et d’actualité et surtout Gene Hackman, toujours jouissif en Lex Luthor, apparaît de nouveau. Passé l’apparition de Nuclear Man (!!!), le grotesque typique du studio refait surface, mais qu’à cela ne tienne, on s’amuse bien à profiter une dernière fois de l’univers.



Superman Returns, de Bryan Singer (2006)

Revisionnage.

A l’heure où le genre super-héroïque se dessinait une nouvelle silhouette après le pompier Batman Begins, Bryan Singer, à travers Superman Returns avait fait le pari audacieux de revenir à l’essence-même du style, au canon de Richard Donner. Et forcément, je ne peux être que touché par l’entreprise de ce beau mais imparfait film, ce blockbuster à l’échec commercial resté dans les annales qui contient pourtant plus d’idées de cinéma à la minute que l’immense majorité des productions actuelles. Car s’il faut passer outre un Brandon Routh au charisme peu percutant, prisonnier de l’ombre de Christopher Reeves, ou encore un Kevin Spacey en roue libre, on peut toujours compter sur un film au sens épique hors-du-commun et à la mise en scène qui cache une grande maestria derrière son classicisme.



Supergirl, de Jeannot Swarc (1984)

Alors que Superman III s'était planté, les Salkind ont eu la formidable idée d’adapter Supergirl au cinéma. Pour le coup, on sombre dans le nanar complet comme les années 80 en avaient le secret, dans ce film qui n’a ni cohérence ni ambition et qui atteint des démesures de kitch et d’idiotie. Supergirl, une belle blonde écervelée, a tout de même d’improbables pouvoirs que même son cousin Kal-El ne possède pas, comme la faculté de changer de couleur de cheveux, voire même de vêtements en un clin d’œil (le fantasme de toute femme, avouons-le nous !). Pour être franc, même si l’on rit de bon cœur devant la bêtise ambiante de cette joyeuse production ou encore devant l'air perdu du pauvre Peter O'Toole, on s’ennuie quand même fermement tant il ne se passe rien, tant tout manque d’enjeu et tant c’est bien trop long. Il n’y a guère que Jerry Goldsmith qui aura décidé de livrer un travail décent sur le film, à l’époque où même pour un nanar, on embauchait un vrai compositeur.



Man of Steel, de Zack Snyder (2013)

C’est quelque part sordide puisqu’à l’heure de l’omniprésence de productions Marvel téléfilmesques à l’écran, je finis par être obligé de concéder à Man of Steel des idées, aussi mauvais le film soit-il. Beau gâchis tout de même, puisque quelque part il y avait suffisamment de matière pour faire un film de super-héros un minimum frais, mais malheureusement il faut que le tout s’aligne dans une tradition de blockbusters destructeurs idiots et qu’en plus Zack Snyder se retrouve à la barre. Malheureusement, jamais il ne renouvellera l’exploit de Watchmen (bien qu’on sente, çà et là, des intentions visuelles intéressantes mais systématiquement gâchées par l’effet de trop), se contentant simplement d’exploiter de manière terre-à-terre voire parfois franchement stupide un univers abscons à la direction artistique incroyable de mauvais goût. Encore une fois, dommage, puisqu’avec un tel casting il y avait moyen de partir gagnant.

Fiche Cinelounge


Un flic à la maternelle, d'Ivan Reitman (1990)

Arnold Schwarzenegger a quand même eu le chic pour se retrouver dans un certain nombre de comédies improbables. Cela dit, la plupart de ses comédies, pas toujours brillantes, ont quand même su jouer habilement avec l’icône que représente l’acteur, et Un flic à la maternelle l’illustre parfaitement. En soit, c’est beaucoup moins inventif qu’Un jour sans fin du même Ivan Reitman, et pourtant les situations, aussi débiles soient-elles, arrivent tout de même à susciter un sourire naïf chez le spectateur. On est enthousiaste devant cet Arnie en roue libre qui en fait des caisses, le capital sympathie est inébranlable. Même si ça n’est pas bien terrible, c’est un gentil plaisir coupable.



Elle et lui, de Leo McCarey (1957)

En voilà, du beau mélodrame ! Elle et lui arrive à reprendre un certain nombre d’éléments classiques du mélodrame romantique hollywoodien tout en les modernisant, car après tout ce dont il est question ici est bel et bien une histoire de tromperie. Mais l’ensemble est d’une beauté intemporelle qui évidemment ne peut que se refléter dans les traits ténébreux mais attendrissants de Cary Grant ou encore dans le regard lumineux de Deborah Kerr. La simplicité est le maître-mot du scénario et lui confère son universalité. Le dernier acte, puissant, achèvera un spectateur dont les yeux auront été préalablement bien humidifiés. C’est beau.



The Party, de Blake Edwards (1968)

Revisionnage.

Je vais commencer de suite en précisant que j’estime sans aucun doute ou presque The Party comme la plus grande comédie de tous les temps. Un nouveau visionnage ne peut me faire que confirmer cette impression, tant je suis hilare du début à la fin face aux improbables aventures de ce Peter Sellers grimé, perdu en soirée mondaine. A certains égards, le film de Blake Edwards partage certains concepts avec les films de Jacques Tati mettant en scène monsieur Hulot (notamment Playtime), mais le penchant bien plus prononcé pour le grotesque voire le vulgaire chez le réalisateur américain change la face de cet humour. Les gags s’enchaînent avec une maitrise du rythme remarquable, sans que l’on ne tombe dans l’overdose, en saupoudrant habilement le récit de réels enjeux, jusqu’à un dénouement orgiaque improbable, toujours ponctué par la délicieuse musique d’Henry Mancini. Et, une fois de plus, il y a de quoi se casser trois fois la mâchoire de rire dans la fameuse scène des toilettes. C’est dire !



Un Crime dans la tête, de John Frankenheimer (1962)

Le traumatisme chez John Frankenheimer, c’est quelque chose. Quelques années avant que l’on ne ressorte retourné et prostré de Seconds : l’expérience diabolique, on pouvait déjà l’être après Un crime dans la tête. Car s’il y a fort longtemps, j’avais vu le remake de Jonathan Demme qui ne m’avait pas laissé un souvenir marquant, le Frankenheimer, lui, risque de rester imprimé. La guerre du Viêtnam n’a même pas encore démarré, Kennedy n’a même pas encore été assassiné, que déjà les traumatismes de l’Amérique sont là, déjà ils ont surgit du spectre de la Corée et bouffé ses citoyens de l’intérieur. L’ambiance est d’un pesant rare, étouffant, boosté par des séquences surréalistes et un final qui laisse muet. Sans doute le meilleur rôle de Sinatra, poussant le chanteur dans ses retranchements. Un chef-d’œuvre, une fois de plus.



Panic sur Florida Beach, de Joe Dante (1993)

Revisionnage.

Il ne faudrait pas oublier Joe Dante, que l’on a que trop souvent relégué dans l’ombre d’autres grands maîtres de son époque. Panic sur Florida Beach, c’est la formidable apothéose d’une ère comme un témoignage à la fois hilarant et touchant sur une autre. Dante dessine avec brillance l’intelligence de cet hommage, revenant sur des concepts importants du cinéma et le lien étroit que celui-ci entretient avec son contexte. Loin d’être dans la parodie achevée à coup de moqueries, le film de Joe Dante marque finalement par sa finesse… Et peut-être son caractère visionnaire dans le fait de mettre en scène le pastiche de série B « Mant ! », l’homme-fourmi, à l’heure où l’un des prochains films de Marvel n’est autre que… Ant-Man. Et c’est bel et bien dommage qu’Edgar Wright ne soit plus de la partie, car peut-être aurait-il été, quelque part, un bel héritier de Joe Dante.